Quand on voit Damon Salvatore (The
Vampire Diaries) arracher le cœur de quelqu’un, ça nous choque moins que
quand on le voit torturer quelqu’un … pourquoi ?
Vous l’aurez deviné, aujourd’hui nous allons parler de torture dans les
séries (le titre de l’article vous aura peut-être mis la puce à l’oreille
également.
Je ne suis sans doute pas la seule à adorer les séries de
tout genre (fantastique, espionnage, chick flick …) mais quand il s’agit de
scènes de torture, j’ai tendance à me renfermer sur moi-même et la série n’a
plus la même … saveur.
Pour revenir à cette histoire de meurtre VS torture, je
pense que la différence dans notre réaction vient du fait que l’horreur de ce
qu’est un meurtre est une chose acquise depuis longtemps dans notre petite tête.
Tuer, c’est mal. Fin de la discussion. Il n’y a pas une petite voix dans notre
tête qui tente de nous faire croire que « tuer pour de bonnes raisons
c’est super chouette ». D’ailleurs, dans les séries, les personnages qu’on
qualifie de « bons » sont
souvent opposés à l’idée même de tuer quelqu’un. Pour rester sur l’exemple de
la série The Vampire Diaries, Elena
Gilbert (qui est une véritable sainte) est drastiquement opposée au meurtre
(même sur la personne de Klaus pendant un temps).
Mais quel est notre à
priori sur la torture ? Clairement, dans notre tête, ça n’est pas si
simple que ça. D’une certaine manière, notre volonté à faire du monde un monde
manichéen (divisé entre le bien et le mal) ne nous aide pas à appréhender le
concept même de torture tel qu’il nous est présenté dans les séries (surtout
les séries américaines mais dans bien d’autres également). On nous présente la
torture de deux manières différentes :
- comme le moyen trouvé par le méchant pour obtenir des
informations en faisant du mal aux gentils (cas dans lequel notre vision
manichéenne peut encore assimiler l’informations)
- comme le moyen utilisé par le gentil pour obtenir des
informations qui pourront sauver plein de gens en faisant du mal au méchant …
Et là ça coince.
La vive critique de la
torture dans les séries actuelles : actualité et parallèles
C’est cette seconde version qui a tant été critiquée par Amnesty International et même récemment
par le Washington Post. Une manière d’interroger
plus efficacement les criminels, la représentation « glorieuse » de
la torture dans les séries américaines a réussie à changer l’opinion publique
au sujet de la torture car plusieurs sondages ont révélé que les américains
estimaient la torture de plus en plus justifiée dans certains cas. La faute
n’est peut-être pas uniquement à rejeter sur les séries qui banalisent cette
pratique (et qui, de manière même déguisée, l’utilisent tout au long de leurs
épisodes mais ça, on en reparlera plus tard) puisqu’on est abreuvés
d’informations qui « justifieraient » cette utilisation de la torture
(dans les médias, dans la culture de la terreur …)
Un rapport du Sénat américain a récemment dévoilé les
méthodes de tortures qui avaient été utilisées récemment sur des douzaines de
détenus (dont une grande partie était détenue à tord). Je vous laisse chercher
sur Google par vous-même si vous voulez plus de détail sur ce que ces personnes
ont subi (c’est facilement retrouvable et je ne souhaite pas développer dans
cet article).
Quel rapport avec les
séries ?
Alors pendant que je vous tiens, vous allez sans doute me
demander quel est le rapport entre la torture d’un loup-garou dans une série au
réalisme discutable et la torture d’un prisonnier sur le sol américain … Et
vous avez clairement raison de poser la question mais ça a absolument tout à
voir l’un avec l’autre.
L’opinion publique est quelque chose d’important.
L’assentiment du peuple permet de faire beaucoup de choses qui seraient
impossibles sans leur accord. Voir vos héros préférés avoir recours à la
torture dans des « situations d’extrême urgence » pour « sauver
le monde grâce à l’information capitale obtenue » … ça dédouane sur le
papier. En réalité, c’est moche et prouvé comme inefficace. Selon un rapport du
Comité sur l’Espionnage du Sénat américain (rapport qui contredit les
affirmations de la CIA), les découvertes majeures dans différentes affaires
venaient de détenus qui avaient choisi de coopérer avant d’être torturés. De
plus, les informations découvertes par la torture sont souvent
fausses/fabriquées (peut-on les en blâmer ? torturée je pense que je
dirais n’importe quoi pour m’en sortir, je suis faible comme ça).
La question qu’on est en droit de se poser est donc la
suivante : pourquoi les séries présentent-elles la torture comme
efficace ? Pourquoi les héros utilisent-ils la torture sur les autres
personnages ? En bref, pour quelle raison la torture est-elle banalisée
sur le petit comme sur le grand écran ?
Là, on ne peut qu’emmètre des suppositions mais aux vues du
dernier rapport concernant les activités de la CIA en matière de torture, on
peut estimer que la fiction est utilisée afin de « faire passer la
pilule ». Même si on sait que les séries n’ont rien de réel, on estime
quand même qu’elles s’inspirent du réel, qu’elles représentent de réelles
problématiques. D’un côté, on a raison de le penser puisque la torture est une
problématique actuelle et qu’elle est vastement utilisée dans encore beaucoup
d’Etats (dont la France, malheureusement pour notre petit côté chauvin).
D’autre part, les « vertus » de la torture comme elles sont
présentées dans les séries, ont un petit goût de pourri.
Présenter la torture de façon « positive » (soit
comme un moindre mal – à choisir entre torturer un fou pour obtenir des
informations et laisser mourir une centaine de personnes) est une activité
dangereuse. Non seulement des études ont prouvé que la torture n’était pas une
méthode efficace mais en plus, les atteintes aux droits de l’homme sont
manifestes. Cependant, la torture est présentée de manière
« positive » à la TV quand les héros l’utilisent. Ils se sentent mal
après, mais c’était pour l’intérêt général. C’est ici que réside le plus gros
du problème et c’est cette banalisation qui est la plus dangereuse.
Les différents types de
torture utilisés à la télévision
La notion de torture est assez vaste. Par exemple, le
Contrôleur des lieux de privation de liberté (la personne qui, en France, est
chargée de vérifier le respect des droits de l’homme dans les prisons …) estime
qu’empêcher un enfant de voir ses parents constitue déjà de la torture. Vous
voyez, la liste est longue.
Pour ma part, je vais vous ranger la torture dans trois
catégories : la torture physique, la torture psychologique et celle que je
trouve « à cheval » entre les deux.
La torture physique :
C’est celle qu’on connait le plus. Vous plantez des petits
couteaux dans le corps d’une personne pour lui faire avouer quelque chose.
C’est percutant, violent et vous n’avez aucun doute sur ce que c’est : de
la torture. On retrouve ce genre de scènes à de nombreuses reprises dans la
série Scandal et elles sont exécutées
par des personnages auxquels on s’est attachés, qui sont les héros de l’histoire
(vous voyez comment la scène est amenée et comment ça coince ?) Le héros
est celui qui torture et on nous fait savoir que c’est pour une bonne raison,
pour protéger … Mais oui …
La torture psychologique :
J’ai en tête une série qui est entièrement construite sur ce type de torture : Pretty Little Liars. Au premier abord,
la série paraît être une simple série pour ados de type Gossip Girl (et là aussi on peut y revenir même si ça relève plus
de harcèlement que de la torture psychologique) mais au fil des épisodes, un
côté beaucoup plus sombre se dévoile. En subissant les persécutions de
l’anonyme « A », les quatre
filles voient leurs vies totalement retournées. Elles ne peuvent plus faire le
moindre pas sans suspecter une présence derrière elles, elles n’osent plus se
confier à leur famille de peur de leur faire du mal, « A », à plusieurs reprises, blesse leurs proches et
elles se sentent responsables car elles n’ont pas obéit. Cette dynamique les
entraîne dans un état de stress permanant, une peur panique de la moindre
ombre. On retrouve cette torture psychologique quand les filles sont enfermées
et qu’A les forces à « électrocuter » l’une de leurs amies. On
apprendra plus tard qu’elles n’ont, en réalité, électrocuté personne mais bien
après.
D’ailleurs, face à la violence de cette torture
psychologique, les filles de la série ne sont pas si détruite que ça. La série
ne nous montre pas les réels effets d’une telle torture, d’un tel harcèlement.
On sait que A est méchant(e) mais on lui offre une rédemption à la fin et tout
va bien dans le meilleur des mondes. Certes, les filles sont sur leurs gardes
mais les effets de la torture sur quelqu’un, ça ne ressemble pas à ça. Au
minimum, elles devraient souffrir de stress post-traumatique (et franchement,
ça ne ressemble pas à ce qu’on voit à l’écran).
On va passer un peu sur ce sujet mais vous êtes les
bienvenus pour donner votre avis et des suggestions sur certaines choses que j’aurais
pu manquer (dans d’autres séries parce que ça n’est pas propre à PLL). Et si vous pensez que j’ai tord (c’est
peut-être le cas), tenez-moi au courant.
Le machin un peu à cheval entre les deux :
Je l’avoue, c’est un peu ma catégorie « fourre-tout »
mais là, c’est quelque chose de plus « caché ». Je mets là-dedans
tous les mauvais traitements. Je m’explique avec, comme exemple The Vampire Diaries et The Originals, deux séries que j’adore
mais qui me forcent un peu à remettre en cause certaines choses. Pour ceux qui
ne situent pas, ces séries ont un point commun : les vampires qui se dessèchent
quand on les prive de sang. Alors, oui, c’est cool et tout pour se débarrasser
des méchants et ils peuvent toujours revenir à la vie après, génial.
Maintenant, pensez à un prisonnier qu’on priverait de nourriture, c’est
exactement la même chose sauf que ça n’est pas estampillé « surnaturel »
pour se dédouaner. Une personne privée d’eau et de nourriture, ça meurt – c’est
aussi con que ça. Un vampire privé de sang, ça meurt temporairement. Dans les
deux cas, on assista à quelqu’un traité de manière totalement inhumaine pour le
contenir. Quand Damon Salvatore est enfermé dans la cave, assoiffé, pendant
plusieurs épisodes, qu’on le voit souffrir pendant les premiers épisodes de la
série, c’est de la torture et c’en est l’un des meilleurs exemples.
Pas besoin de grand-chose d’élaboré pour torturer quelqu’un,
pas besoin de chaînes et de couteaux. Cette manière de faire est aussi utilisée
dans The Originals où Klaus décide d’emmurer
les gens vivants (en gros de les priver de sang aussi, on parle toujours de
vampires ne l’oublions pas) et fini d’ailleurs enfermé dans son mur lui-même.
Quelle conclusion peut-on en tirer exactement ? Cette
utilisation de la torture peut-elle vraiment avoir une influence sur notre
façon de voir les choses ? Peut-être que oui quand on entend parler les
gens sur l’utilisation de la torture sur – par exemple – les terroristes. Alors
on peut crier tant qu’on veut contre l’utilisation de la torture mais quand on
n’est même plus choqués de voir des gens torturés à la TV et que ça devient
habituel, presque banal de voir ces mauvais traitements, est-ce vraiment si
étonnant que ça que peu de personnes s’élèvent contre la prison de Guantanamo.
Avec cet article, je ne tiens pas à montrer que toutes les
séries sont diaboliques puisque je les regarde moi-même mais quand on regarde
une série, un film ou autre chose, on est toujours en droit de se demander
pourquoi les choses sont faites d’une manière ou d’une autre. Pourquoi la
torture n’est-elle pas réservée qu’aux méchants ? Et bien parce que ceux
qu’on nous présente comme les gentils dans la vraie vie utilisent la torture et
que, pour eux, ça serait top qu’on en vienne même à cautionner leurs activités,
aussi inhumaine soient-elles.
La torture existe depuis au moins aussi longtemps que l'humanité, je crois. Même chez les animaux quand on y pense: les loups ont un alpha qui persécute l'oméga, la bête noire de la meute, et ce, afin que l'alpha puisse bien asseoir son autorité.
RépondreSupprimerLes orques jouent avec les phoques comme les chats jouent avec la souris au moment du déjeuner. C'est encore plus dérangeant pour moi de considérer les animaux comme capables de torture que les humains.
Quand on voit toutes les atrocités commises par l'Homme, effectivement, la torture peut paraître banalisée. Il en existe de tant de différentes formes, de toute façon.
C'est une question de pouvoir, de possession ou de dépossession de l'autre (je ne sais pas si tu as vu Outlander, mais la scène de torture finale de la saison 1 est assez éprouvante et elle illustre parfaitement ce que je viens d'écrire).
Pour être franche, je ne crois pas avoir jamais vu une série sans au moins un épisode où un personnage subit une forme de torture. L'Homme a une part de cruauté en lui dès la naissance. Ne t'est-il jamais arrivé, même étant enfant, de te moquer de quelqu'un d'autre? Ce que je veux dire, c'est que l'exploitation de cette gigantesque faille chez l'humain me semble judicieuse, surtout lorsque l'on assiste aux répercussions d'un tel acte.
Dans The Walking Dead, les personnages principaux craignent davantage les humains que les morts-vivants, et à raison. Les humains, dans ce contexte apocalyptique, pillent, tuent, torturent sans aucun remord. C'est le "survival of the fittest", ou la loi du plus fort. Forcément, au bout d'un moment, les héros en viennent à se montrer de plus en plus hargneux, et perdent peu à peu foi en l'humanité. Ils basculent du côté de ceux qui frappent et posent les questions ensuite. Peut-on les en blâmer? Comment réagirais-tu à leur place?
Pour le moment, nous vivons dans notre espèce de cocon, notre génération n'ayant pas connu de guerre mondiale. Mais un jour peut-être, nous devrons se confronter à ce genre de situation. Et alors, sans doute remettrons cette histoire de torture en perspective.
L'illustrer dans les séries ou films, je reconnais qu'il y a parfois des excès, mais je ne me fais de toute façon personnellement aucune illusion quant à ce dont nous sommes capables pour survivre.
Quant au fait que les "héros" pratiquent de plus en plus la torture et qu'elle soit légitimée, il est certain que c'est débattable. Mais pour le divertissement, elle fait office de retournement de situation, de remise en question et offre un nouveau regard sur les personnages, une évolution (ou plutôt régression) qui peut avoir des conséquences psychologiques intéressantes à exposer au public.
J'espère ne m'être trop éparpillée! En tout cas, merci encore pour ce sujet de discussion passionnant :D
Pour les animaux ... Ca me choque moins en fait. Puisqu'on est censés être doués de raison et qu'on n'a pas le comportement sauvage des animaux. Le premier truc qu'on nous apprend en philo c'est qu'on a abandonné notre animalité par la connaissance (toute cette histoire de métaphore de la caverne ^^)
SupprimerIl y a quand même pas mal de séries sans torture (par exemple les séries comme Heart Of Dixie, Gossip Gisl ...) et même des séries d'espionnage ou d'action (comme Quantico qui est une vraie merveille)
Après je fais une distinction entre moquerie (parce que, oui, quand quelqu'un tombe, ça me fait rire) et la torture qui, par essence, n'a strictement rien à voir. C'est une histoire de puissance, de volonté de blesser. Ensuite, la torture ne sert à rien, ça a souvent été prouvé. C'est juste la haine à son appogée.
Et encore, quelqu'un qui torturerait quelqu'un d'autre pour une raison bien particulière (comme la vengeance), ça ne me choquerait pas autant. Je trouve les motivations personnelles plus justifiables.
Après, dans un cocon, je ne suis pas certaine que ça soit le cas. Mes parents n'ont pas vécu de guerre mondiale non plus et mes grands-parents, presque pas. Mon grand père était résistant et la torture banalisée l'a toujours choqué ...
La question à se poser c'est surtout de savoir si la torture est vraiment quelque chose qu'on devrait utiliser comme "divertissement" ^^
Dans Quantico, il y a quand même la torture psychologique, avec le maître-chanteur. j'adore aussi cette série :D
RépondreSupprimerHaha ! Disons que comme pour PLL, c'est un peu sur la limite entre la torture psycho et le harcèlement.
SupprimerAprès je suis contre la représentation "positive" de la torture (en mode : ça sauve le monde, youpi ! c'est difficile mais on a eu raison de le faire, notre adversaire était vraiment mauvais)
Par exemple, un malade qui utilise la torture pour tenter de détruire quelqu'un, c'est quelque chose que j'admet plus dans le sens où la représentation est plus fidèle à ce qu'est réellement la torture (à savoir une volonté de détruire une personne et pas du tout une technique d'interrogation probante)