samedi 27 août 2016

LA TORTURE DANS LES SERIES


Quand on voit Damon Salvatore (The Vampire Diaries) arracher le cœur de quelqu’un, ça nous choque moins que quand on le voit torturer quelqu’un … pourquoi ?
Vous l’aurez deviné, aujourd’hui nous allons parler de torture dans les séries (le titre de l’article vous aura peut-être mis la puce à l’oreille également.


Je ne suis sans doute pas la seule à adorer les séries de tout genre (fantastique, espionnage, chick flick …) mais quand il s’agit de scènes de torture, j’ai tendance à me renfermer sur moi-même et la série n’a plus la même … saveur.

Pour revenir à cette histoire de meurtre VS torture, je pense que la différence dans notre réaction vient du fait que l’horreur de ce qu’est un meurtre est une chose acquise depuis longtemps dans notre petite tête. Tuer, c’est mal. Fin de la discussion. Il n’y a pas une petite voix dans notre tête qui tente de nous faire croire que « tuer pour de bonnes raisons c’est super chouette ». D’ailleurs, dans les séries, les personnages qu’on qualifie de « bons » sont souvent opposés à l’idée même de tuer quelqu’un. Pour rester sur l’exemple de la série The Vampire Diaries, Elena Gilbert (qui est une véritable sainte) est drastiquement opposée au meurtre (même sur la personne de Klaus pendant un temps).

Mais quel est notre à priori sur la torture ? Clairement, dans notre tête, ça n’est pas si simple que ça. D’une certaine manière, notre volonté à faire du monde un monde manichéen (divisé entre le bien et le mal) ne nous aide pas à appréhender le concept même de torture tel qu’il nous est présenté dans les séries (surtout les séries américaines mais dans bien d’autres également). On nous présente la torture de deux manières différentes :

- comme le moyen trouvé par le méchant pour obtenir des informations en faisant du mal aux gentils (cas dans lequel notre vision manichéenne peut encore assimiler l’informations)

- comme le moyen utilisé par le gentil pour obtenir des informations qui pourront sauver plein de gens en faisant du mal au méchant …
Et là ça coince.

La vive critique de la torture dans les séries actuelles : actualité et parallèles

C’est cette seconde version qui a tant été critiquée par Amnesty International et même récemment par le Washington Post. Une manière d’interroger plus efficacement les criminels, la représentation « glorieuse » de la torture dans les séries américaines a réussie à changer l’opinion publique au sujet de la torture car plusieurs sondages ont révélé que les américains estimaient la torture de plus en plus justifiée dans certains cas. La faute n’est peut-être pas uniquement à rejeter sur les séries qui banalisent cette pratique (et qui, de manière même déguisée, l’utilisent tout au long de leurs épisodes mais ça, on en reparlera plus tard) puisqu’on est abreuvés d’informations qui « justifieraient » cette utilisation de la torture (dans les médias, dans la culture de la terreur …)
Un rapport du Sénat américain a récemment dévoilé les méthodes de tortures qui avaient été utilisées récemment sur des douzaines de détenus (dont une grande partie était détenue à tord). Je vous laisse chercher sur Google par vous-même si vous voulez plus de détail sur ce que ces personnes ont subi (c’est facilement retrouvable et je ne souhaite pas développer dans cet article).

Quel rapport avec les séries ?

Alors pendant que je vous tiens, vous allez sans doute me demander quel est le rapport entre la torture d’un loup-garou dans une série au réalisme discutable et la torture d’un prisonnier sur le sol américain … Et vous avez clairement raison de poser la question mais ça a absolument tout à voir l’un avec l’autre.

L’opinion publique est quelque chose d’important. L’assentiment du peuple permet de faire beaucoup de choses qui seraient impossibles sans leur accord. Voir vos héros préférés avoir recours à la torture dans des « situations d’extrême urgence » pour « sauver le monde grâce à l’information capitale obtenue » … ça dédouane sur le papier. En réalité, c’est moche et prouvé comme inefficace. Selon un rapport du Comité sur l’Espionnage du Sénat américain (rapport qui contredit les affirmations de la CIA), les découvertes majeures dans différentes affaires venaient de détenus qui avaient choisi de coopérer avant d’être torturés. De plus, les informations découvertes par la torture sont souvent fausses/fabriquées (peut-on les en blâmer ? torturée je pense que je dirais n’importe quoi pour m’en sortir, je suis faible comme ça).

La question qu’on est en droit de se poser est donc la suivante : pourquoi les séries présentent-elles la torture comme efficace ? Pourquoi les héros utilisent-ils la torture sur les autres personnages ? En bref, pour quelle raison la torture est-elle banalisée sur le petit comme sur le grand écran ?
Là, on ne peut qu’emmètre des suppositions mais aux vues du dernier rapport concernant les activités de la CIA en matière de torture, on peut estimer que la fiction est utilisée afin de « faire passer la pilule ». Même si on sait que les séries n’ont rien de réel, on estime quand même qu’elles s’inspirent du réel, qu’elles représentent de réelles problématiques. D’un côté, on a raison de le penser puisque la torture est une problématique actuelle et qu’elle est vastement utilisée dans encore beaucoup d’Etats (dont la France, malheureusement pour notre petit côté chauvin). D’autre part, les « vertus » de la torture comme elles sont présentées dans les séries, ont un petit goût de pourri.

Présenter la torture de façon « positive » (soit comme un moindre mal – à choisir entre torturer un fou pour obtenir des informations et laisser mourir une centaine de personnes) est une activité dangereuse. Non seulement des études ont prouvé que la torture n’était pas une méthode efficace mais en plus, les atteintes aux droits de l’homme sont manifestes. Cependant, la torture est présentée de manière « positive » à la TV quand les héros l’utilisent. Ils se sentent mal après, mais c’était pour l’intérêt général. C’est ici que réside le plus gros du problème et c’est cette banalisation qui est la plus dangereuse.

Les différents types de torture utilisés à la télévision

La notion de torture est assez vaste. Par exemple, le Contrôleur des lieux de privation de liberté (la personne qui, en France, est chargée de vérifier le respect des droits de l’homme dans les prisons …) estime qu’empêcher un enfant de voir ses parents constitue déjà de la torture. Vous voyez, la liste est longue.
Pour ma part, je vais vous ranger la torture dans trois catégories : la torture physique, la torture psychologique et celle que je trouve « à cheval » entre les deux.

La torture physique :

C’est celle qu’on connait le plus. Vous plantez des petits couteaux dans le corps d’une personne pour lui faire avouer quelque chose. C’est percutant, violent et vous n’avez aucun doute sur ce que c’est : de la torture. On retrouve ce genre de scènes à de nombreuses reprises dans la série Scandal et elles sont exécutées par des personnages auxquels on s’est attachés, qui sont les héros de l’histoire (vous voyez comment la scène est amenée et comment ça coince ?) Le héros est celui qui torture et on nous fait savoir que c’est pour une bonne raison, pour protéger … Mais oui …

La torture psychologique :

J’ai en tête une série qui est entièrement construite sur ce type de torture : Pretty Little Liars. Au premier abord, la série paraît être une simple série pour ados de type Gossip Girl (et là aussi on peut y revenir même si ça relève plus de harcèlement que de la torture psychologique) mais au fil des épisodes, un côté beaucoup plus sombre se dévoile. En subissant les persécutions de l’anonyme « A », les quatre filles voient leurs vies totalement retournées. Elles ne peuvent plus faire le moindre pas sans suspecter une présence derrière elles, elles n’osent plus se confier à leur famille de peur de leur faire du mal, « A », à plusieurs reprises, blesse leurs proches et elles se sentent responsables car elles n’ont pas obéit. Cette dynamique les entraîne dans un état de stress permanant, une peur panique de la moindre ombre. On retrouve cette torture psychologique quand les filles sont enfermées et qu’A les forces à « électrocuter » l’une de leurs amies. On apprendra plus tard qu’elles n’ont, en réalité, électrocuté personne mais bien après.

D’ailleurs, face à la violence de cette torture psychologique, les filles de la série ne sont pas si détruite que ça. La série ne nous montre pas les réels effets d’une telle torture, d’un tel harcèlement. On sait que A est méchant(e) mais on lui offre une rédemption à la fin et tout va bien dans le meilleur des mondes. Certes, les filles sont sur leurs gardes mais les effets de la torture sur quelqu’un, ça ne ressemble pas à ça. Au minimum, elles devraient souffrir de stress post-traumatique (et franchement, ça ne ressemble pas à ce qu’on voit à l’écran).

On va passer un peu sur ce sujet mais vous êtes les bienvenus pour donner votre avis et des suggestions sur certaines choses que j’aurais pu manquer (dans d’autres séries parce que ça n’est pas propre à PLL). Et si vous pensez que j’ai tord (c’est peut-être le cas), tenez-moi au courant.

Le machin un peu à cheval entre les deux :

Je l’avoue, c’est un peu ma catégorie « fourre-tout » mais là, c’est quelque chose de plus « caché ». Je mets là-dedans tous les mauvais traitements. Je m’explique avec, comme exemple The Vampire Diaries et The Originals, deux séries que j’adore mais qui me forcent un peu à remettre en cause certaines choses. Pour ceux qui ne situent pas, ces séries ont un point commun : les vampires qui se dessèchent quand on les prive de sang. Alors, oui, c’est cool et tout pour se débarrasser des méchants et ils peuvent toujours revenir à la vie après, génial. Maintenant, pensez à un prisonnier qu’on priverait de nourriture, c’est exactement la même chose sauf que ça n’est pas estampillé « surnaturel » pour se dédouaner. Une personne privée d’eau et de nourriture, ça meurt – c’est aussi con que ça. Un vampire privé de sang, ça meurt temporairement. Dans les deux cas, on assista à quelqu’un traité de manière totalement inhumaine pour le contenir. Quand Damon Salvatore est enfermé dans la cave, assoiffé, pendant plusieurs épisodes, qu’on le voit souffrir pendant les premiers épisodes de la série, c’est de la torture et c’en est l’un des meilleurs exemples.

Pas besoin de grand-chose d’élaboré pour torturer quelqu’un, pas besoin de chaînes et de couteaux. Cette manière de faire est aussi utilisée dans The Originals où Klaus décide d’emmurer les gens vivants (en gros de les priver de sang aussi, on parle toujours de vampires ne l’oublions pas) et fini d’ailleurs enfermé dans son mur lui-même.



Quelle conclusion peut-on en tirer exactement ? Cette utilisation de la torture peut-elle vraiment avoir une influence sur notre façon de voir les choses ? Peut-être que oui quand on entend parler les gens sur l’utilisation de la torture sur – par exemple – les terroristes. Alors on peut crier tant qu’on veut contre l’utilisation de la torture mais quand on n’est même plus choqués de voir des gens torturés à la TV et que ça devient habituel, presque banal de voir ces mauvais traitements, est-ce vraiment si étonnant que ça que peu de personnes s’élèvent contre la prison de Guantanamo.

Avec cet article, je ne tiens pas à montrer que toutes les séries sont diaboliques puisque je les regarde moi-même mais quand on regarde une série, un film ou autre chose, on est toujours en droit de se demander pourquoi les choses sont faites d’une manière ou d’une autre. Pourquoi la torture n’est-elle pas réservée qu’aux méchants ? Et bien parce que ceux qu’on nous présente comme les gentils dans la vraie vie utilisent la torture et que, pour eux, ça serait top qu’on en vienne même à cautionner leurs activités, aussi inhumaine soient-elles.


N’hésitez pas de donner votre avis et d’émette des hypothèses, j’adorerai savoir ce que vous penses sur le sujet et n’hésites surtout pas à échanger sur tout ça, pour me contacter c'est dans les commentaires et sur Twitter, vous pouvez partager l'article !


4 commentaires:

  1. La torture existe depuis au moins aussi longtemps que l'humanité, je crois. Même chez les animaux quand on y pense: les loups ont un alpha qui persécute l'oméga, la bête noire de la meute, et ce, afin que l'alpha puisse bien asseoir son autorité.
    Les orques jouent avec les phoques comme les chats jouent avec la souris au moment du déjeuner. C'est encore plus dérangeant pour moi de considérer les animaux comme capables de torture que les humains.
    Quand on voit toutes les atrocités commises par l'Homme, effectivement, la torture peut paraître banalisée. Il en existe de tant de différentes formes, de toute façon.
    C'est une question de pouvoir, de possession ou de dépossession de l'autre (je ne sais pas si tu as vu Outlander, mais la scène de torture finale de la saison 1 est assez éprouvante et elle illustre parfaitement ce que je viens d'écrire).
    Pour être franche, je ne crois pas avoir jamais vu une série sans au moins un épisode où un personnage subit une forme de torture. L'Homme a une part de cruauté en lui dès la naissance. Ne t'est-il jamais arrivé, même étant enfant, de te moquer de quelqu'un d'autre? Ce que je veux dire, c'est que l'exploitation de cette gigantesque faille chez l'humain me semble judicieuse, surtout lorsque l'on assiste aux répercussions d'un tel acte.
    Dans The Walking Dead, les personnages principaux craignent davantage les humains que les morts-vivants, et à raison. Les humains, dans ce contexte apocalyptique, pillent, tuent, torturent sans aucun remord. C'est le "survival of the fittest", ou la loi du plus fort. Forcément, au bout d'un moment, les héros en viennent à se montrer de plus en plus hargneux, et perdent peu à peu foi en l'humanité. Ils basculent du côté de ceux qui frappent et posent les questions ensuite. Peut-on les en blâmer? Comment réagirais-tu à leur place?
    Pour le moment, nous vivons dans notre espèce de cocon, notre génération n'ayant pas connu de guerre mondiale. Mais un jour peut-être, nous devrons se confronter à ce genre de situation. Et alors, sans doute remettrons cette histoire de torture en perspective.
    L'illustrer dans les séries ou films, je reconnais qu'il y a parfois des excès, mais je ne me fais de toute façon personnellement aucune illusion quant à ce dont nous sommes capables pour survivre.
    Quant au fait que les "héros" pratiquent de plus en plus la torture et qu'elle soit légitimée, il est certain que c'est débattable. Mais pour le divertissement, elle fait office de retournement de situation, de remise en question et offre un nouveau regard sur les personnages, une évolution (ou plutôt régression) qui peut avoir des conséquences psychologiques intéressantes à exposer au public.
    J'espère ne m'être trop éparpillée! En tout cas, merci encore pour ce sujet de discussion passionnant :D

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    1. Pour les animaux ... Ca me choque moins en fait. Puisqu'on est censés être doués de raison et qu'on n'a pas le comportement sauvage des animaux. Le premier truc qu'on nous apprend en philo c'est qu'on a abandonné notre animalité par la connaissance (toute cette histoire de métaphore de la caverne ^^)

      Il y a quand même pas mal de séries sans torture (par exemple les séries comme Heart Of Dixie, Gossip Gisl ...) et même des séries d'espionnage ou d'action (comme Quantico qui est une vraie merveille)

      Après je fais une distinction entre moquerie (parce que, oui, quand quelqu'un tombe, ça me fait rire) et la torture qui, par essence, n'a strictement rien à voir. C'est une histoire de puissance, de volonté de blesser. Ensuite, la torture ne sert à rien, ça a souvent été prouvé. C'est juste la haine à son appogée.
      Et encore, quelqu'un qui torturerait quelqu'un d'autre pour une raison bien particulière (comme la vengeance), ça ne me choquerait pas autant. Je trouve les motivations personnelles plus justifiables.

      Après, dans un cocon, je ne suis pas certaine que ça soit le cas. Mes parents n'ont pas vécu de guerre mondiale non plus et mes grands-parents, presque pas. Mon grand père était résistant et la torture banalisée l'a toujours choqué ...
      La question à se poser c'est surtout de savoir si la torture est vraiment quelque chose qu'on devrait utiliser comme "divertissement" ^^

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  2. Dans Quantico, il y a quand même la torture psychologique, avec le maître-chanteur. j'adore aussi cette série :D

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    1. Haha ! Disons que comme pour PLL, c'est un peu sur la limite entre la torture psycho et le harcèlement.
      Après je suis contre la représentation "positive" de la torture (en mode : ça sauve le monde, youpi ! c'est difficile mais on a eu raison de le faire, notre adversaire était vraiment mauvais)
      Par exemple, un malade qui utilise la torture pour tenter de détruire quelqu'un, c'est quelque chose que j'admet plus dans le sens où la représentation est plus fidèle à ce qu'est réellement la torture (à savoir une volonté de détruire une personne et pas du tout une technique d'interrogation probante)

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